Villes intelligentes : La transition énergétique des villes sera-t-elle numérique ?

L’optimisation de la gestion énergétique a été l’une des premières promesses de la ville intelligente : à l’échelle des bâtiments ou de la ville, le numérique permettrait de réduire les consommations énergétiques en optimisant la production d’énergie et en déployant réseaux électriques intelligents et bâtiments connectés. L’enjeu est de taille : les villes accueillent la moitié de la population mondiale mais consomment 75% de l’énergie produite et sont responsables de 80% des émissions de gaz à effet de serre.

Sur l’enjeu énergétique, les objectifs des projets peuvent être de réduire la consommation énergétique et/ou de soutenir le recours aux énergies renouvelables. Par exemple, des systèmes de pilotage énergétique de bâtiments sont couplés avec des capteurs de présence et/ou de température, et des micro-réseaux électriques sont mis en place pour permettre de consommer l’électricité produite à l’échelle de la parcelle. Pour optimiser la collecte des déchets et réduire l’énergie nécessaire, des systèmes de collecte ajustés en temps réel en fonction des besoins sont déployés.

Si la promesse de la ville intelligente est attirante, elle soulève néanmoins des problématiques environnementales et démocratiques.

La ville intelligente s’appuie sur différents équipements numériques : ordinateurs, réseaux, data centers, smartphones des usagers, etc. La production et l’utilisation d ces équipements ont un impact énergétique et carbone important. Selon RTE, la consommation d’électricité des data centers français en 2015 s’élevait à environ 3 TWh, c’est-à-dire une consommation d’électricité supérieure à celle d’une ville comme Lyon. L’énergie grise, c’est-à-dire l’énergie consommée pour la production des équipements, est complexe à estimer et dépend des types d’équipements et du lieu de production. Pour les smartphones, l’énergie grise représenterait jusqu’à 5 fois l’énergie consommée par l’appareil sur sa durée de vie. Les gains de consommation énergétique obtenus sont-ils dès lors suffisants pour compenser l’impact de la production et de l’utilisation des équipements nécessaires ?

Par ailleurs, les réductions de consommation promises ne sont pas toujours atteintes : le fondement de la ville intelligente est la collecte et l’analyse des données. Cependant, collecter, gérer et analyser cette masse de données peuvent être très complexes. Le risque est de collecter et stocker une quantité importante de données sans pouvoir les « faire parler ». Et nous en revenons au premier problème : le stockage des données est particulièrement énergivore

Côté démocratie, quels sont les risques posés par la ville intelligente ? Pour Jean Haëntjens, économiste et urbaniste : « nous ne pouvons pas dire aujourd’hui qu’il y a une domination des systèmes urbains par le numérique. Mais deux logiques s’affrontent : la logique de la cité politique avec un maire élu par des citoyens, qui propose un projet de société à long terme et, de l’autre côté, la ville as a service, où l’intérêt général ne compte pas, où c’est Waze qui vous dit comment aller d’un point A à un point B. Tout le contraire de l’esprit collaboratif. C’est une ville qui fonctionne comme un supermarché ou le site d’Amazon : vous commandez les services en trois clics et la notion de collectif est complètement dissoute, c’est cela le danger ».

La ville intelligente est une ville technicisée, optimisée, complexe. Au risque que les citoyens n’en deviennent que des consommateurs.

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